PETIT HISTORIQUE
par Henrri De Sabates

 

Tout est né d'une table... Un lycée. Des connaissances diverses. Plusieurs personnes, aux personnalités parfois un peu marginales, se retrouvent chaque midi, autour d'une table. Des amitiés naissent, un groupe d'amis se forme.
Nous trouvant dans un lycée orienté notamment vers les arts, plusieurs d'entre nous se trouvent dans des classes à options artistiques. Au fil de nos discussions les plus diverses et les plus riches, nous avons petit à petit remarqué ce facteur commun.
Alors, à partir d'un mot rencontré par hasard dans le dictionnaire ou d'un courant artistique ou philosophique étudié lors d'un de nos cours, nous nous mettons à exploiter ce filon, à nous intéresser à tout. Entre autres, la découverte du surréalisme et de leurs activités sera pendant un certain temps une de nos sources d'inspiration pour nos diverses méthodes de création artistique.
Il s'agit ensuite de se nommer. Deux d'entre nous, Antoine Desbouys et moi-même, amateurs de mots et de jeux linguistiques (avions-nous alors déjà ou pas encore rencontré Oulipo ?), lors d'une discussion en 1995 ou 1996, nous avions trouvé comme dénomination
"La Chair Folle de Bœuf", créée à partir des 2 premières lettres des noms de famille de chacune des 6 personnes qui composaient en ce temps-là le groupe (nous avions échappé de peu au "Serfage Anal", mot crée selon le même procédé à partir de nos prénoms !). Nous avions même commencé pendant l'été 1996 une pièce du même nom (écrite selon le procédé, légèrement modifié à notre façon, du "cadavre exquis").
Quelle ne fut pas notre surprise à l'époque lorsque nous découvrîmes, quelques mois plus tard, à quel point l'actualité produisait une curieuse coïncidence par rapport à ce nom !

Puis, les années passaient, la fin du lycée approchait, de nouvelles personnes s'étaient jointes au groupe. Ce nom, qui n'était d'ailleurs pas vraiment apprécié par tous, ne collait plus de toute façon avec la réalité du groupe. Nous avions pris au fur et à mesure des années conscience de nos capacités, et, ayant tellement travaillé autour d'autres mouvements artistiques, nous souhaitions nous monter à notre tour en mouvement.
Notre démarche ayant jusqu'ici été assez empirique, et ayant constaté que toute création artistique n'est généralement qu'une expérience de plus, je proposais alors le terme d'
"Expérimentalisme". Cette proposition d'un mot assez ouvert, aux possibilités d'exploitation très nombreuses, était conscient de ma part : nous représentions un panel de personnalités assez différentes, mais avec ce goût de l'expérience et de l'essai. En effet, au cours de ces années lycées, en plus de nos travaux en commun, nous prenions également le temps de nous présenter nos activités et productions artistiques respectives. Par le mot Expérimentalisme, nous formions une certaine unité dans la diversité, sans pour autant être restreint par un terme trop sclérosant.
Le terme d'Expérimentalisme se maintiendra longtemps (ce qui explique pourquoi vous le rencontrerez sûrement à plusieurs reprises dans ce site). Sous cette bannière, nous avons initié deux manifestes, et édité une revue qui s'arrêta malheureusement à son troisième numéro, faute davantage à des conflits personnels qu'à des difficultés techniques. Une première ébauche de
site Internet fut également lancée sous ce nom.

La fin en quelque sorte de l'Expérimentalisme (bien que je considère personnellement que ce dernier co-existe toujours d'une certaine manière) est dû au terme de "mouvement" sur lequel certains d'entre nous ont stigmatisé. Selon eux, ce terme impliquait une certaine unité d'action régie par un dogme. Pour ma part, je ne partageais absolument pas cette idée : c'est bien pour cette raison que je tenais à rajouter le terme de "mouvement fictif de l'Expérimentalisme", car nous étions d'une certaine manière un mouvement non-mouvement. C'est-à-dire que nos personnalités et centres d'intérêt (qui ont d'ailleurs évolués au fil des années, en prenant souvent des chemins différents) étaient trop diverses pour que l'on puisse nous étiqueter sous un seul et unique dogme. Ainsi, si je parlais de mouvement fictif, c'est parce que ce mouvement existait par le fait même que nous en parlions et que nous le citions, mais à la fois n'existait pas car nous n'étions pas à proprement dit un mouvement au sens où on l'entend généralement, d'où la fictivité (sic).
Ainsi donc, petit à petit, beaucoup d'entre nous se focalisant sur l'idée de "mouvement", nous avions alors tous une idée différente de ce qu'était l'Expérimentalisme (là encore, la diversité autour de l'unité). Et nous avons vraiment pris conscience de l'impossibilité de cette mouvementisation lors de la tentative d'écriture d'un second Manifeste (fictif ?) de l'Expérimentalisme, qui se voulait plus mouvementesque que le premier (qui était plus un patchwork de textes divers).

Néanmoins, malgré quelques petites crises internes entre certaines personnes du groupe à une époque donné (à la suite du troisième numéro de la revue), le terme de mouvement fictif de l'Expérimentalisme se maintenait en filigrane, même si d'autres propositions d'auto-désignation apparaissaient de temps à autre ("La Non-École de Rouen", "PAROBRILY", etc.).

Lorsqu'un jour, au cours de l'été 2001, Fabien Bellat et Aurélien Bédéneau se mirent d'accord sur un terme : ERBEFOLE. Le processus de création était un peu similaire à celui qui avait engendré "La Chair Folle de Bœuf", même si ici, le nombre de personnes impliquées dans le mot était encore plus limité (quatre noms seulement) alors que le groupe avait plus augmenté que diminué. Mais ce terme, je dirais presque cet axiome, était plutôt prétexte à un manifeste que ces deux ex-expérimentalistes, aux personnalités pourtant assez souvent opposées, avaient réussi à rédiger en commun. Et dans ce manifeste, tout est dit : enfin, nous parvenons à nous assumer et nous décrire tels que nous sommes. Nous conservons ce principe d'ouverture qui avait donné naissance au mouvement fictif de l'Expérimentalisme, tout en présentant un texte reflet de nos idées et de nos projets.
Nous sommes à présent un
collectif. Un collectif d'artistes aux personnalités très différentes. Mais nous avons néanmoins conservé cet intérêt qui nous est cher pour les travaux en commun, même si ceux-ci sont plus rares pour causes d'éloignements. Nous sommes partis de Rouen, et du lycée Jeanne d'Arc plus précisément ; à présent, nous sommes un peu disséminés partout en France, et peut-être bientôt à l'étranger.

Nonobstant, le contact entre nous est permanent, et ce site se veut pour vous le miroir à la fois de nos travaux passés et de nos activités actuelles.

Nous sommes partis d'une table. L'amitié nous a soudés et, au-delà de toute réflexion artistique, ceci est une notion très importante. Nous nous offrons aujourd'hui à vous. Qu'est-ce que cette chose que beaucoup appellent l'Art ? Je ne saurais, en ce qui me concerne, vous répondre. Mais peut-être s'agit-il pour partie de cette blessure à vif que vous avez devant vos yeux...


Pour le collectif ERBEFOLE, Henrri De Sabates
Saint-Brieuc, le 22 mars 2002