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Nom
: Fabien Bellat Courriel : bellatores@wanadoo.fr |
Choix d'oeuvres :
Présentation
personnelle : J'en
viens à l'essentiel. Fabien BELLAT |
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Les obsessions puis hantises s'imposent.
Mes écrits vivent d'images frappantes, de ces visions vous assaillant
lorsqu'on prend ses quartiers dans un lieu hors du commun.
Palerme, même si je n'y ai rien rédigé, nourrit une certaine
forme de mon imaginaire ; toute l'Italie ressurgit dans mes récits par
l'ombre de l'Histoire, par l'inspiration et recomposition de grandes figures.
Ces gestes pourraient inquiéter : l'endroit écrase-t-il l'oeuvre
? Ce que je vois c'est que l'imagination s'empare d'une atmosphère pour
mieux la reformuler - l'éternelle opération démiurgique.
Les cathédrales, palais, fortifications, souvent me servent afin de montrer
l'homme finalement réduit à néant par son impressionante,
vivante création. Les monuments retournent toujours la domination du
créateur contre celui-là même s'en prétendant le
maître.
Rome a croulé sous ses colonnes...
Aujourd'hui ceci ne me tourmente point. Un vide m'angoisse. Un esprit, immanent
mais tangible, m'impressionne.
Je veux parler du fantôme de villes balnéaires.
Certaines de ces stations ont poussé l'orgueil jusqu'à se proclamer
rêve d'une vie. Les fondateurs ont vu le songe se muer en cauchemar lorsque
l'Histoire a rattrapé leur utopie plaisancière.
J'étudie l'architecte*
d'une de ces villes contre-nature. Et les vestiges douloureux de son orgueil
m'ont plongé dans le malaise, un malaise nommé Hardelot.
Les rues pittoresques, les villas pesamment et savamment pittoresques, le tracé
d'une ville admirablement pittoresque luttant contre les dunes omniprésentes...
puis la Première Guerre Mondiale qui interrompt l'enthousiasme. Guerre
arrivant tel un mausolée, ensuite l'ultime bétonisation d'un XXème
siècle dévoyé dans la minéralité anonyme...
Le résultat : une abomination pour laquelle l'homme ne saurait être
qu'ombre de lui-même, une silhouette osant à peine raser les murs
ou les sables. De peur d'y voir se reflèter son intolérable vacuité.
Ces villes sont bien faites pour les ténèbres d'une écriture
désabusée.
Des tragédies insignifiantes doivent s'y nouer sans cesse.
Derrière les jeux de la plage, les pendus dans un cagibi balnéaire.
Un autre de ces urbanismes ex-novo, en Bretagne**, m'a
tourné vers l'exorcisme des images cinématographiques***,
tant l'impression d'inachèvement, de rêve fracassé y est
étrange.
Pourtant je réalise combien ces ectoplasmes urbains s'affirment nombreux
parmi mon univers. Les pins, la comédie paysagère ne parviennent
plus à dissimuler l'imposture. Ce sont de telles apparences dont s'inspire
quelque fois l'art.
Si l'existence humaine peut être soumise au doute, alors véritablement
ses apparences de rêves martyrisant le sable et les eaux sous la tentative
de hiérarchisation urbaine... se dévoilent encore plus sujets
à la dramaturgie humaine.
Des sentiments tiennent à peu de choses.
Des idéaux tournent vite à la corruption prosaïque.
Les villes balnéaires - plus soumises que toutes les autres à
l'éphémère puisque destinées au plaisir épisodique
- deviennent un résumé burlesque.
Des parodies d'existence. Le décor fantasque de l'homme conjurant l'environnement
hostile pour mieux le soumettre à sa tentation d'universalité.
Ces façades fantaisistes n'abritent qu'une tyrannie, celle de l'existence
gratuite contre toutes les formes signifiantes.
Voici pourquoi écrire balnéaire s'avère pour moi chercher
le paradigme de la comédie humaine.
Sans doute d'autre quintessences sont à prendre en considération
: l'église, le bidonville, la tour... Mais écrire balnéaire
ne cachera jamais qu'une fertilité devenue parodique tant elle a tenu
à se pérénniser dans le despotisme urbain.
Qui peut sincèrement sentir cette horreur ?
Alors que le soleil éclairait cette ville tournée à la
caricature d'elle-même, j'ai voulu fuir cette indicible tristesse. Certaines
mélancolies ne se détruisent pas. Je préfère l'écrire.
Ainsi peut-être parlera un peu la vision d'une hantise de toits monstreusement
perchés dans les dentelures de dunes mouvantes.
Fabien BELLAT.
Hardelot, 9 décembre 2001.
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* Louis-Marie Cordonnier (1854-1940), auteur du palais de la Paix de La Haye,
de l'Opéra de Lille, de la Basilique de Lisieux.
** Sables-d'Or-les-Pins, près du Cap Fréhel
*** Finalement, le scénario s'est transformé en nouvelle (Obsession
Balnéaire B.)
Ecriture devant le château d’Harcourt (Eure, Normandie)
Paraît-il, notre époque
ne construit plus de châteaux.
Quelle erreur incroyable. Certes on n’élève plus de châteaux
forts, matériellement parlant.
Mais ils apparaissent visibles.
Quelquefois notre temps se trouve amené à les reconstruire. Cela
est l’œuvre des Monuments Historiques, du patrimoine.
Il existe une autre œuvre.
Cette œuvre parle des châteaux.
Plus exactement, elle parle château.
Cette création s’exprime dans un langage castelliforme, elle tend à
reprendre les tours, les mâchicoulis, les enceintes fortifiées,
les douves, pour dire l’importance épique.
Que notre époque veuille le réalisme, cela
la regarde.
Pourtant il peut se trouver une expression plus élevée, atteignant
au monumental.
Ceci, c’est écrire les châteaux.
Non plus les châteaux des hobereaux, non plus les semblants de castels,
des capitalistes aux mille ouvriers exploités, mais les châteaux
de ceux qui peuvent rêver, de ceux tendant vers un ailleurs qui se pourrait
révéler esthétique.
Des châteaux en Espagne…
Toutefois, ce deviendrait une expression autre.
Ecrire château équivaut à affirmer l’indépendance
d’un Verbe, refusant l’ordinaire, appelant la différence fertile, voulant
une beauté exaltante.
Que cet écrire-château se traduise en roman, film, poésie,
qu’importe.
L’écrire-château connaît un atemporel de l’intervention artistique.
Ce ne doit pas être du nouveau médiéval. La nostalgie ne
possède aucune place dans l’écriture-château. La reconstruction
se révèle non plus féodale, mais créative.
En somme cette écriture tend à l’exigence d’une
extériorisation de soi pour pérégriner vers l’inattendu,
l’étrange – sinon les touristes ne visiteraient pas ces demeures devenues
incompréhensibles.
Evidemment un château n’a plus rien à voir avec
notre époque. Un château ne peut que figurer un anachronisme.
Un anachronisme peut susciter un effort de compréhension, de dépassement.
C’est pourquoi ce flamboyant objet non identifié permet une création.
Car il attend la recomposition. La réinvestigation pleine de sève.
L’imaginaire existe… Il s’agit de lui inventer son art.
Avant de l’exprimer, cet imaginaire, il faudra l’investir.
Le siège pourrait s’avérer long. Ce deviendrait une croisade créative.
Lorsque les clefs seront tenues, alors l’œuvre de reconstruction pourra commencer.
Fabien BELLAT
Harcourt, 22 juin 2002.